Bilan du mois de juin challenge « Ma PAL fond au soleil »

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Objectif : 50 livres à lire 

  1. Toxique de Françoise Sagan (Clin d’œil)
  2. Un roman français de Frédéric Beigbeder (L’œil qui rit)
  3. Cabaret sauvage d’Isabelle Kauffmann (Plein les yeux)
  4. Jean Bark de Philippe Claudel (Clin d’œil)
  5. Clarissa de Stefan Zweig (L’œil qui rit)

Bref…il y a encore du boulot…!

Toxique. Françoise Sagan

Toxique. Couv

Hospitalisée après un accident de voiture, Françoise Sagan est devenue dépendante d’un dérivé de Morphine. Suffisamment pour devoir suivre une cure de désintoxication. C’est cette parenthèse dans sa vie qu’elle décrit dans « toxique », sous la forme d’un journal de bord.
Il en ressort qu’elle ne croit qu’à moitié à cette cure. Comme si elle avait conscience qu’une vie heureuse, cette rédemption, ne passait pas par une simple désaccoutumance à un produit mais par la quête d’un idéal pas encore défini chez elle. Ce temps de lucidité est angoissant, elle n’a que 22 ans et déjà beaucoup de vies vécues. « Le charmant petit monstre » de Mauriac sera dépendant toute sa vie, à l’alcool, aux drogues, au tabac. Les illustrations de Bernard Buffet collent parfaitement au texte et plonge le lecteur dans ce monde de torpeur, de doutes et de manque.

C’est le premier billet du challenge « Addictions » mais pas la première lecture et je suis frappée de la similitude de fond chez les écrivains qui abordent le problème de la dépendance. Les formes des textes sont très variées les sujets aussi, mais la dépendance apparaît systématiquement comme un « sur- problème » à une faille initiale, vaguement comblée par une toxicomanie quelconque qui la masquera un temps. L’écriture devient alors une tentative de  mesure de ce vide.

Éditeur : LGF/ Le livre de poche
EAN : 9782253156765

Citations :

  • J’ai eu un moment de gaieté ce matin dans une allée en me rappelant cet escalier du Jimmy’s, ce bar, comme j’y étais bien, comme j’y riais, comme c’était sombre et complice. Tout cela qui me mène ici dans cette allée où je marche seule, en faisant attention malgré moi à un cœur indolent et mal rythmé. Me voici punie, moi qui ne crois pas aux punitions.
    Mes frères alcooliques, aimable tribu débonnaire des nuits de Paris, je ne pourrais plus vous suivre, de bar en bar, de voiture en voiture, ou alors à jeun. Et je crains que ça ne marche pas.
  • Mais il me semble que, désormais, mes seuls rapports heureux avec moi-même, en dehors des autres êtres et des quelques moments d’exaltation ou de bien-être physique que la nature procure, ne pourront êtres que littéraires. Ainsi donc les écrivains tomberaient dans le même piège que les comptables, les industriels et autres abrutis de travail. Pour se retrouver plus tard en proie à quelle solitude inactive : ça donne le frisson.
  • Il y avait longtemps que je n’avais pas vécu avec moi-même. C’est d’un effet curieux.

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Challenge Addict          challenge-c3a9tc3a9Challenges….

Un roman français. Frédéric Beigbeder

Un roman français. Couv

Il est touchant et horripilant ce Frédéric Beigbeder. Ça m’ennuyait de le lire au moment de la parution de son « Roman français » ; Beigbeder c’était pour moi, le type Bobo/Hipster/dans le mouv’/  « je suis de la haute mais je fais clodo c’est mieux », l’incarnation vivante de la chanson de Vian « J’suis snob ». Et puis j’ai eu dans les mains son « Premier bilan après l’apocalypse » et j’ai été admirative de la finesse et la justesse de son regard sur certaines œuvres littéraires. J’ai été ulcérée aussi qu’il place dans son classement Lolita Pille AVANT Hermann Hesse, ce qui équivaut pour moi à préférer un McDO à une blanquette de veau. Voilà admirative et ulcérée, cela résume assez bien mon état d’esprit sur cet homme.
Rien ne m’agace plus qu’un homme intelligent qui se fait passer pour un idiot, si ce n’est peut-être l’inverse, mais avouez que dans ce sens là c’est plus fréquent.
C’est un écrivain qui visiblement adore se saborder par des provocations un peu puériles pour masquer un vrai talent. Car c’est un écrivain talentueux et « Un roman français » est un bon livre.
Comme pas mal d’autres auteurs, il est très bon  lorsqu’il fait des livres autobiographiques (coucou Amélie N. !)

Alors l’histoire ? C’est celle de Frédéric B. la quarantaine barbue qui se fait coincer par la maréchaussée en train de prendre des substances illicites sur le capot d’une voiture. Le soir où son frère, Charles B. lui, apprend qu’il va recevoir la légion d’honneur. De quoi donner matière à réfléchir sur leurs destins réciproques et ce qui peut faire que dans une même fratrie l’un se retrouve au dépôt et l’autre à l’Elysée. L’occasion donc pour l’auteur de revenir sur son enfance et sur sa vie actuelle.
Oublions donc un peu le « people » pour découvrir l’auteur. Si on ne devait lire que des écrivains qui ne sont pas exaspérants dans leur vie publique, il ne resterait plus grand monde dans nos PAL…

Éditeur : LGF/ Le Livre de Poche
EAN : 9782253134411

Citations :

  • Le cerveau déforme l’enfance, pour l’embellir ou l’empirer, la rendre plus intéressante qu’elle n’était. Guéthary 1972 est comme une trace d’ADN retrouvée ; telle cette experte de la police scientifique du VIIIe arrondissement de Paris, en blouse blanche de laborantine, qui vient de me racler l’intérieur des joues avec une spatule en balsa afin de prélever ma muqueuse buccale, je devrais pouvoir tout rebâtir avec un cheveu retrouvé sur cette plage.
  • Et si Freud s’était trompé ? Et si l’important n’était pas le père et la mère, mais le frère ? Il me semble que tous mes actes, depuis toujours, sont dictés par mon aîné. Je n’ai fait que l’imiter, puis m’opposer à lui, me situer par rapport à mon grand frère, me construire en le regardant. Un an et demi d’écart, ce n’est pas assez : nous étions des faux jumeaux. Le problème, c’est que Charles est imbattable, il est l’homme parfait. Il ne m’a donc laissé qu’une option : être un homme imparfait.
  • J’ai eu beaucoup de chance, mes parents n’avaient qu’un but : ne pas traumatiser leurs enfants. C’était leur obsession, leur seule ligne de conduite. Protéger les deux fils. Qu’ils ne puissent pas détester leurs parents comme eux avaient détesté les leurs : nos grands-parents rétrogrades, aristocrates désargentés et bourgeois extravagants, qui les avaient élevés trop strictement, enfermés en pension, avec leurs principes dénués de tendresse, ou distraitement, avec trop de distance et de pudeur. Quand mes parents ont divorcé, ma mère a choisi de dissimuler la vérité à ses enfants pour les couver.

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Edit :   Aucun lien avec la choucroute, mais j’ai envie ce soir de vous demander d’aller voir ce blog : Le charlatan littéraire, qui fera marcher votre cerveau et vos zygomatiques car comme dirait l’autre « c’est bon de rire parfois ».
(Et pour encore plus de fun, compte tous ceux qui sont morts depuis…)

Clarissa. Stefan Zweig

Clarissa. Couv

Roman inachevé de Zweig, « Clarissa » est un diamant brut. Il décrit le destin d’une femme, d’une femme forte, du début du XXème siècle à la fin de la première guerre mondiale. Une page, une seule, qui ressemble à une note d’écrivain, nous informe de la vie de Clarissa de 1920 à 1930.
Elle est fille et sœur de militaires autrichiens,  c’est un être solide, mesuré, calme, pondéré. Toutes ces qualités qui ne sont pas dues à une rigueur morale mais plutôt à une absence complète (du moins au début du texte) d’empathie ou se sentiment pour l’autre.
Elle aura la chance de rencontrer des êtres d’exception, qui la guideront sans qu’elle ne se sente redevable. D’abord une camarade de pensionnat puis un professeur de psychologie, ensuite Léonard, l’amour de sa vie  qui aura le mauvais goût d’être français à la veille de la guerre, enfin Brancoric, le soldat déserteur qui la manipulera et qu’elle manipulera.

J’ai adoré ce texte même si (et je viens de terminer ma lecture) j’éprouve des sentiments mitigés pour ce personnage. Clarissa est une maitresse femme qui attire, interroge et plait à son entourage, mais je ne peux m’enlever de l’idée qu’elle ne vit que pour elle et que par elle -seule la maternité changera cette donne, et encore, l’enfant est décrit comme le prolongement d’elle-même d’abord, de son amour perdu ensuite- et qu’elle utilise le monde qui l’entoure.
Je rage que Zweig n’ait pu finir ce texte car finalement la description qu’il aurait fait de la décennie de vie de Clarissa (qui, je le rappelle tient en deux phrases) aurait pu nous donner le fin mot de son caractère…Personne n’a donc la clef, l’interprétation du lecteur n’a jamais été aussi libre que dans ce roman.
Une fois de plus Stefan Zweig a fait que j’ai lu d’une traite un de ses livres, que j’ai été émue, agacée, heureuse et attristée de la vie de ses personnages, bref que pendant deux heures j’étais ailleurs, dans l’histoire qu’il a construite et que je sais gré à tout écrivain de me faire partir dans un autre monde.

Éditeur : Belfond
EAN : 9782714427939

 Citations :

  • Ne me remerciez pas. Non, mon enfant, dit-il d’une voix grave. Vous m’avez aidé en son temps. Je crois vous aider à mon tour. Mais en fait, c’est moi-même que j’aide. J’ai besoin de courage, de plus de courage que je n’en possède. Chacun aide les autres en leur donnant l’exemple. En me montrant que vous êtes résolue et que vous resterez forte, vous m’aidez. Plus que jamais dans ma vie, j’ai besoin de voir un être solide. J’aurai encore besoin de vous à l’avenir. Il est bon de connaître quelqu’un qui vous connaît, une personne au moins avec qui vous pouvez parler.
  • Que peut-il nous arriver? Nous vivrons, c’est tout ce qui importe. Nous avons chacun un fils. Nous avons nos enfants. Que nous importe ce qui se passe en politique ? Que signifient l’empereur et l’Empire – il faut que nous voyions les choses sous un angle historique, comme si elles s’étaient produites il y a mille ans. Nous sommes sauvés, même si c’est la victoire des autres. Mais nous, nous sommes sauvés. Votre enfant aussi « que les morts enterrent les morts » : c’est vraiment vrai.
    « Quel est le sens de ce chauvinisme » ? De deux choses l’une  ou l’Europe va naître, ou bien tout est perdu. Si elle ne naît pas, alors seulement nous aurons perdu la guerre.
  • Les caractères réfléchis détiennent le secret pouvoir de souligner, du moins pour de courts instants, le sérieux de ceux qui sont plus légers.

Lu dans le cadre du Challenge « Stefan Zweig » de Métaphore

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Traders, Hippies et Hamsters. Marina Lewycka

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L’été arrive quand on ne met plus six couches de vêtements, qu’on troque le Bordeaux contre du Rosé et que l’on guette le roman de plage idéal. J’ai lu « Traders, hippies et hamsters », j’ai commencé mon été.
Je tiens avant tout à remercier Babélio qui m’a envoyé ce livre dans le cadre d’une Masse Critique.
Roman de plage donc, mais attention, rien de péjoratif ici. Je ne fais pas partie de la horde qui pense qu’il faut absolument bronzer avec la marque du Monde Diplomatique ou l’intégrale de Deleuze sur le front. Au contraire, il fait beau, il fait chaud et le Rosé ça cogne un peu donc autant lire du « sympa-pas-trop-compliqué ». Je vous rappelle aussi que la fin des vacances rime avec la Rentrée Littéraire et qu’il est important de ne pas se surchauffer le cerveau avant les 687 nouveautés du mois d’août.
Mais passons à ce roman de Marina Lewycka et sa belle et drôle galerie de personnages. On y suit le destin d’une famille, composée de Marcus et Doro, vieux hippies sur le retour qui ont élevé leurs trois enfants dans une communauté et qui, l’âge venu, tentent de garder un peu de foi dans leurs idéaux passés. Idéaux qui n’ont pas été transmis à Serge, l’ainé, trader millionnaire qui préfère cacher sa situation à ses parents et se faire passer pour un éternel étudiant, ni à Clara, prof de banlieue qui ne sait pas vraiment ce qu’elle attend de la vie et encore moins à Oolie, fille adoptée, trisomique et petite dernière, qui rêve d’indépendance.
L’annonce du mariage, rite bourgeois par excellence pourtant, de Doro et Marcus et leur volonté de réunir tous ceux et celles qui ont croisé leur vie permettra de revenir sur les parcours de chacun des personnages. Une dernière tentative de réunion de ceux qui rêvaient d’un monde meilleur tandis que plane la crise financière de 2008…

Le seul adjectif qui me vient à l’esprit est « sympa ». C’est un roman sympa, on s’attache aux personnages qui à tour de rôle donneront leurs avis sur ce qu’a été et ce qu’est aujourd’hui leurs vies.
J’ai retrouvé dans cette lecture ce qui m’avait plu dans « Les chroniques de San Francisco » d’Armistead Maupin : voir évoluer sur plusieurs décennies des personnages hauts en couleurs.
A lire donc calé sur un transat, un Perrier citron/ Rosé/Mojito (rayer la mention inutile) à portée de main  en écoutant le ressac.
L’été est la saison préférée du lecteur !

Éditeur : Éditions des Deux Terres
EAN : 9782848931395

Citations :

  • Le vendredi, Doro trimbale son aspirateur dans la maison en ruminant sa mauvaise humeur. Non seulement elle est obligée de renoncer à un bel après-midi au jardin ouvrier pour discuter d’Oolie avec cet abruti d’assistant social, mais pour une raison obscure, elle se croit obligée de nettoyer de fond en comble avant qu’il n’arrive. Les femmes de la génération de sa mère étaient censées s’épanouir en faisant le ménage, mais à Solidarity Hall c’était une telle corvée qu’elle avait été purgée de toute ambition de la sorte.
  • Le mardi matin, Serge se sent lui aussi piégé dans l’ascenseur bondé, nez à nez avec une demi-douzaine de traders au regard absent. Qu’est-ce qu’il fait là ? Quel est le sens de la vie ? Y a-t-il un Dieu ? Où en est le prix de l’immobilier au Brésil ?
  • Quand elle est arrivée à l’école il y a trois ans, elle débordait d’idées, rêvant d’apporter sa contribution à cette communauté sans ressources, de faire jaillir la petite étincelle qui stimulerait ces enfants et les propulseraient hors de cet univers morne et étriqué, bardé de grillages et de fils babelés. Au bout d’une semaine, elle avait déjà planté une renouée de Chine vivace dans l’espoir qu’elle recouvre la vilaine clôture du parking, mais depuis, même cette liane rampante a quasiment abdiqué devant le vandalisme, la pisse et le climat de Doncaster. Et tout comme la renoué de Chine, elle s’aperçoit que les conditions locales mettent sa résistance à rude épreuve.

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Challenge « Addiction »

Challenge Addict

En (essayant) de ranger ma bibliothèque et ma PAL je me suis rendu compte qu’une thématique était très présente dans celles-ci : la dépendance. C’est un thème récurrent dans la littérature, que cette dépendance soit due à l’alcool, au tabac (L’œil qui fume porte bien son nom), à la drogue ou même …aux livres. Si, si vous êtes accros vous aussi !
C’est donc une bonne occasion de vous proposer un challenge, non limité dans le temps, sur ce sujet.
La liste des livres est ouverte, n’hésitez pas à m’en proposer d’autres.
Aucune modération ne sera tolérée sur ce Challenge, il n’y a aucun effet secondaire néfaste !

Je n’ai pas trouvé de challenges similaires, merci de m’avertir du cas contraire.

P.S : Comme L’oeil aime beaucoup la pub, si vous voulez vous inscrire, faites-moi un joli billet sur votre blog avec le challenge en lien, en récompense vous recevrez une solide poignée de main (virtuelle) et toute ma considération 😉

Catégories :

Tourtel©
1 ou 2 livres

Vous reprendrez bien un verre ?
3 à 5 livres

Bukowski
5 livres et plus.

Les livres proposés :

Beigbeder Frédéric       99 francs
Boulgakov Mikhaïl          Morphine
Bourdelas Layrent         L’ivresse des mots
Bukowski Charles         Journal d’un vieux dégueulasse
Burgess Melvin             Junk
Cave Nick                      Mort de Bunny Munro
Claro                              Tous les diamants du ciel
Cocteau Jean                Opium
Crumb Robert                Oggie, la jeune fille et le haricot
Crumb Robert                Nausea (Merci Noctenbule)
Delay Florence              Mes cendriers
Exley Frederick              Le dernier stade de la soif
Fournier Jean-Louis       A ma dernière cigarette
Fournier Jean-Louis       Il n’a jamais tué personne mon papa
François Annie               Clopin-clopant
Gailly Christian               Un soir au club
Nothomb Amélie             Biographie de la faim
Haddad Hubert               Opium Poppy
Kessel Joseph                Avec les alcooliques anonymes
Nourissier François        Eau-de-Feu
Robbins Tom                   B comme bière (Merci Métaphore)
Sagan Françoise            Toxique
Svevo Italo                       La conscience de Zeno (Merci le Charlatan Littéraire)
Welsk Irvin                      Trainspotting
Zamoum Fatma Zohra   Comment j’ai fumé tous mes livres
Zola Émile                       L’assommoir

Le plus : Si vous cherchez d’autres idées de lectures,
Métaphore (merci à toi !) a rajouté une liste de titres en commentaire,

La faculté des rêves. Sara Stridsberg

La faculté des rêves. Couv

Valérie Solanas était une femme étrange. Féministe radicale dans les Etats-Unis des années 70, elle fut surtout connue pour avoir tenté d’assassiner Andy Warhol en 1968. Elle vivait dans ses extrêmes, voulait éradiquer le genre masculin mais a vécu un temps de la prostitution, vouait une admiration féroce à Warhol mais a tenté de le tuer, se voulait libre mais est tombée dans la toxicomanie. Une femme sans repères, passionnée, qui vivait aux confins de la folie. Sara Strisberg propose une  biographie de ce personnage hors norme dans ce texte à l’écriture aussi hachurée et non linéaire qu’était la vie de Solanas. On alterne entre des moments biographiques classiques et une immersion dans la pensée tourmentée du personnage. Cet éparpillement laisse au lecteur le soin de construire le puzzle de la vie de Valérie Solanas.

J’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans ce texte, je ne me suis pas prise au jeu peut-être à cause du peu d’empathie que m’inspirait la vie de cette femme, qui n’a pas su exister pour elle seule et s’est perdue dans des idéaux et des passions. Une façon de s’annihiler dans ses rêves et de fuir la réalité

Éditeur : Le livre de Poche
EAN : 9782253156611

Citations :

  • Andy tient sa perruque argentée contre son cœur en guise de protection. Des secondes comme des douleurs comme de la neige brûlante dans ton cœur et la pièce qui se transforme en océan de voix autour de toi. Il y a Dorothy, Cosmogirl, Silkyboy, Sister White.
  • J’ai détalé. J’ai couru dans le désert comme une dératée. Je n’ai jamais retrouvé le chemin de la maison. Tout n’était qu’une seule et même accumulation de requins bleus et froids. J’étais une enfant malade. Je désirais retrouver Louis. Retrouver cette électricité, cette sensation de gaz carbonique dans les jambes et dans les bras. Il était impossible de m’aimer. J’ai marché dans le désert. Il faisait clair, c’était lumineux et solitaire. J’ai pris mes affaires et je suis partie à jamais. Tout en moi criait : le cœur, Dorothy.

Lu dans le cadre du Challenge « Jacques a dit » du mois de juin de Métaphore.

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La confusion des sentiments. Stefan Zweig

La confusion des sentiments. Couv

Quel beau titre ! La confusion…quand la frontière entre amour et amitié n’est pas si étanche que cela. C’est ce que nous raconte un homme, philologue, en revenant sur ses jeunes années. Il fut un étudiant dilettante à Berlin dans les années 20, recadré par son père, il changera d’université pour s’installer dans le centre de l’Allemagne étudier la philologie anglaise. Il y rencontrera un professeur, LE professeur. Un de ceux qui donne envie de se surpasser. De cette admiration naîtra un besoin éperdu de reconnaissance qui passera par une volonté de culture, d’études, de travail sans fin. Ce « maître » étrange, passionné, d’humeur inconstante entraînera Roland (le prénom du narrateur n’apparaît que tardivement dans le texte) dans les spirales de la passion. Une passion intellectuelle ; il admire son mentor, il s’oublie à force de vouloir lui plaire, il perçoit tout juste les failles et les secrets de l’homme qui incarne sa dévotion. Jusqu’à la révélation finale.

Une fois de plus, Stefan Zweig m’a subjuguée par ses écrits. C’est un auteur que j’apprécie depuis longtemps (« Le bouquiniste Mendel » a été un texte qui a orienté ma vie…je vous en dirai plus quand j’en ferai un billet !). Chaque mot est pesé, son talent pour la description des lieux, des personnages, fait que vous êtes immergé dans le monde qu’il peint. J’ai aimé ces deux personnages, l’un qui, au soir de sa vie, sait revenir sur sa jeunesse sans cacher sa naïveté, ses tourments, sa candeur du jeune homme d’alors et l’autre qui, à force de batailles contre lui-même, n’a plus que la littérature pour exister de temps en temps.

Éditeur : LGF/ Le livre de poche
EAN : 9782253162766
Parution originale : 1927

  • J’avais en une heure de temps renversé le mur qui jusqu’alors me séparait du monde de l’esprit et je me découvrais, moi, passionné par essence, une nouvelle passion qui m’est restée fidèle jusqu’à aujourd’hui : le désir de jouir de toutes les choses terrestres dans des mots inspirés.
  • Combien j’ai souffert à cause de cet homme survolté, qui lançait des éclairs, passant brusquement du chaud au froid, qui inconsciemment m’enflammait pour me glacer aussitôt, et qui par sa fougue exaltait la mienne, pour brandir ensuite soudain le fouet d’une remarque ironique ! – Oui, j’avais le sentiment cruel que plus je m’approchais de lui, plus il me repoussait avec dureté et même avec inquiétude. Rien ne devait, rien ne pouvait le pénétrer, pénétrer son secret.
  • Soumis à une torture incessante, il s’efforce de faire rentrer dans l’ordre, avec le fouet du contrôle de soi, cette passion sortie du chemin habituel ; toujours de nouveau l’instinct l’entraîne vers le ténébreux péril. Dix, douze, quinze années de luttes épuisantes pour les nerfs, contre la force magnétique et invisible d’une inclination incurable s’étirent en une seule convulsion, jouissance sans plaisir, honte qui étouffe ; et petit à petit apparaît ce regard, obscurci et timidement caché en soi-même, inspiré par la peur de sa propre passion.

Lu grâce au challenge de Métaphore

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Jean-Bark. Philippe Claudel

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J’avais fait il y a quelque temps un billet sur le dernier livre de Jean-Marc Roberts « Deux vies valent mieux qu’une ». Récit paru peu de temps avant sa mort.
Avec « Jean-Bark », Philippe Claudel offre un très bel hommage à cet homme de Lettres, qui fut son éditeur et son ami.
Tout petit texte de 85 pages qu’on sent écrit d’une traite, quand les mots deviennent les seuls pansements à la souffrance béante de la disparition d’un être cher.
On pense (Claudel le cite) au magnifique « Jérôme Lindon » de Jean Echenoz qui s’inscrivait dans la même démarche.
C’est un livre joyeux comme les souvenirs d’amitié, triste comme l’absurdité de la maladie, émouvant ; il faut pour Claudel apprendre à « vivre sans ».

Éditeur : Stock
Ean : 9782234075542
Parution : Juin 2013

Citations :

  • Tu aimais que les gens t’aiment. Je suis comme toi, j’aime que les gens m’aiment. Je pense que, très simplement, en dehors du fait qu’écrire me plaît, mais d’autres activités me plaisent d’avantage comme la pêche à la truite ou la cueillette de champignons, je pense donc que si je publie des livres, c’est pour qu’on s’intéresse à moi, et qu’on m’aime d’avantage, que cet amour soir le fruit d’êtres que je connais, et de beaucoup d’autres que je ne connais pas.
  • Moi, j’aimais t’entendre rire. C’est à coups de rires je crois qu’on balance la mort dans les cordes, pour un temps, ou à terre carrément, et qu’elle se fait compter par l’arbitre. Qu’on lui montre qu’on ne la prend pas trop au sérieux. Qu’elle devrait mieux délaisser ses airs de grande dame sûre de son fait, et aller voir ailleurs si nous y sommes.
  • Les morts sont ironiques. Toujours. Ils nous regardent nous débattre avec nos souvenirs mais ne lèvent jamais le petit doigt.