Leçons de Solfège et de Piano. Pascal Quignard

lecons de solfege et de piano. Quignard

J’ai une tendresse immense pour Pascal Quignard. Le mot vous parait peut-être mal choisi, l’humilité du lecteur voudrait qu’on puisse dire, « j’ai une admiration féroce pour Pascal Quignard », « un enthousiasme à la lecture de Pascal Quignard », « un grand amour pour Pascal Quignard ». Oui, aussi. Mais je parle de tendresse car chacun de ses livres me fait du bien. C’est peut-être l’auteur le plus érudit que j’ai pu lire sans me sentir inférieure. Chacun de ses ouvrages est une promenade dans une immense bibliothèque, pas de celles qui écrasent mais plutôt un immense pays où on n’a pas peur de se perdre car le guide vous tient la main.
J’ai lu ce tout petit texte pendant une pause. Il fait cinquante pages tout juste et il est foisonnant. On y croise Julien Gracq qui prend des leçons de piano avec les tantes de l’auteur, Zenon le philosophe si cher à Yourcenar, les vertus du grec ancien, la vraie définition de l’amitié corroborée par un bel hommage…et de belles choses encore que je vais vous laisser le soin de découvrir…
C’est un tout petit livre, très grand par son contenu.  Il pleut, il fait froid, vous ne travaillez pas mercredi, vous savez donc ce qu’il vous reste à faire demain. Généralement, les librairies sont ouvertes de 10 à 19 heures.
Quelle chance avez-vous de ne pas l’avoir encore lu !

Editeur : Arléa
EAN : 9782363080257

Citations :

  • Maintenant Chaminadour.
    Entre nous, Ancenis et Saint-Florent, sur le bord de la Loire, c’étaient deux toutes petites villes.
    C’était Chaminadour à Guéret.
  • Louis-René des Forêts était très riche. Il possédait des châteaux. Julien Gracq, Marcel Proust, Raymond Roussel étaient si aisés qu’ils publiaient à compte d’auteur. Michel Leiris avait un chauffeur, un valet de chambre, un maître d’hôtel. Pour ce qui me concerne une théière et un lit ont suffi à mes jours. J’y ajoutai des milliers de livres que j’empruntais dans les bibliothèques religieuses, nationales, universitaires, municipales.
    Un crayon, des dos d’enveloppes. C’est ainsi que le courrier qu’on reçoit peut être réexpédié à Dieu.
  • C’est ainsi que Zénon est très précis. L’ami n’est pas du tout « a second self ». L’ami n’est pas un autre soi-même. « Ego » n’est pas un «ille », un « il », un « lui-même ». L’ami est un « allos egô », un autre je. Que l’ami soit un autre ego signifie : L’ami est une autre « première personne du singulier ». En ce sens Montaigne n’a pas compris Zénon. Ce n’est pas « parce que c’était lui, parce que c’était moi » (…) L’ami c’est ego, c’est la position sujet. C’est pour ça qu’on souffre, quand l’ami disparaît. On est touché au cœur. C’est ego qui est lésé dans la mort de l’ami.

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Les Amantes ou Tombeau de C. Jocelyne François

Les amantes. Couv

J’ai été tentée de créer une nouvelle catégorie pour ce livre. Une sorte d’écrin, afin qu’il ne traîne pas avec les autres tant il est particulier. J’ai lu cent fois les « «Les Amantes »….
L’histoire de deux femmes qui s’aiment et vivent ensemble dans un village varois. L’une des deux va rencontrer C, le poète. Se crée alors le jeu dangereux de l’amitié amoureuse. Ce sentiment ténu qui tient sur un fil, qui basculera peut-être dans un amour « classique » ou les fera tomber dans l’anonymat sentimental d’une amitié sobre.
Quand on est Jocelyne François et René Char, on préfère être funambule.
On avance par touches dans ce texte, c’est un tableau d’impressionnistes, où, comme dans  la latence amoureuse, chaque geste, chaque mot veut dire quelque chose et fait entrer dans le pays des « peut-être ». Où le désespoir le plus noir fait suite aux élans merveilleux d’une joie infantile. C’est une peinture sans pastel, un temps arrêté dans la vie du narrateur.
Lisez ce livre et laissez vous porter par les mots, ils résonneront longtemps.

EAN : 9782070376988
Éditeur : Gallimard Éditions
Collection : Folio

Citations :

  • Personne ne le comprendrait, que nous puissions êtres aussi tendres, aussi effusifs et pourtant amis. Cela nous est propre, c’est notre évidence à nous, on pourrait nous croire amants, on se tromperait : nous pouvons échapper aux fixations, aux engloutissements dans le stable. Nous sommes mobiles, nous sommes aériens, demeurons incompréhensibles aux autres.
  • Si l’on est entré dans une réalité, il ne faut plus se soucier le moins du monde des commentaires qui vont leur train au-dehors. Puisqu’ils sont en dehors.
  • Mais il n’en demeure pas moins vrai qu’un changement insidieux s’est produit entre eux. On peut feindre de l’ignorer, on peut se dire qu’il correspond à un état somatique différent et que l’esprit n’en est pas affecté mais il est impossible de ne pas poser la seule question importante : celle de savoir si l’autre ressent lui aussi ce glissement.
  • Alors, dans la trêve qui suit, elle retourne au silence de l’écriture. Cela ressemble à l’alternance des saisons ou à la précipitation des équinoxes et des solstices dans un temps qui se déroulerait autrement.

Deux étrangers. Emilie Frèche

Deux étrangers. Couv

Elise va, sur une injonction, rejoindre son père au Maroc. Elle ne lui a pas parlé depuis 7 ans, ni vu depuis sa fuite du foyer familial. Sa vie actuelle prend l’eau, son couple se délite et elle a le sentiment que ses enfants, bien que petits encore, s’éloignent.
Cet appel va sonner le temps de la mise au point. On la suit sur ce trajet qui lui permet de se souvenir, d’analyser les tours et détours de son existence. Tous les faits, toutes les personnes qui ont fait sa vie apparaissent le long du voyage. En reconstruisant son passé, ses racines, Elise pourra continuer sa route.
Un roman initiatique présente souvent un homme cheminant (métaphoriquement ou non) dans une contrée hostile où il cherche à atteindre le sens de sa vie. Emilie Frèche, elle, nous propose un roman initiatique à bord d’une R5 vert pomme, et la quête décrite garde tout son sens. Chapeau !

Editeur : Actes Sud
Collection : Domaine français
EAN : 9782330014100

Citations :

  • On dit souvent que les gens projettent sur leurs enfants leurs ambitions ratées, qu’ils les mettent à la danse ou au piano parce qu’eux-mêmes auraient rêvé de faire carrière, et je crois que c’est exactement ce que j’ai fait avec les miens. Oui, je crois que c’est uniquement pour que Tom et Leo deviennent des « enfants de divorcés » -ce que je rêvais d’être à leur âge- qu’il y a un mois j’ai foutu en l’air mon histoire avec leur père.
  • Je marche dans la lumière du soleil couchant qui caresse mon visage, j’ignore jusqu’où mes pas me porteront, mais ça n’a aucune importance, je balade mon corps, je lui fais prendre l’air, et bientôt j’avance ainsi les yeux fermés et les bras tendus pour retrouver un soupçon d’équilibre car c’est finalement la seule chose qui compte, la seule à quoi nous devons tous nous atteler chacun dans nos petites vies, maintenir notre « équilibre », coûte que coûte, quels que soient les manques et les épreuves, mais cet équilibre est si fragile  et si constamment menacé, c’est un véritable exercice d’acrobate qui nous réclame la même concentration que jadis, quand nous étions mômes et que, sur les parapets, nous riions aux éclats. Sauf que nous ne rions plus.
  • Il a dit je t’attends avant la fin du mois, j’ai « besoin de te voir ».
    Il a dit besoin. Pas envie.
    Ça veut dire malade ?
    Mourant ?

 

Zulu. Caryl Férey

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Zulu ou le moment de solitude de la lectrice que je suis à qui on a vendu le livre trente fois avec cet argumentaire choc « c’est un chef-d’œuvre ». Bon… je remercie Métaphore et son challenge « Jacques a dit » qui auront finalement eu raison de mes réticences.
Mon inconscient est bien fichu : je n’avais pas envie de lire ce livre, je sais aujourd’hui que j’aurais dû m’écouter.
Alors oui, c’est un très bon polar, oui, le sujet est habilement traité, oui, c’est terrifiant de plonger dans cette Afrique du Sud, dans l’apartheid, dans la violence, le sang, les larmes.
Mais…voilà, voilà ça m’a barbé…du coup je n’ai pas envie d’en parler !

Je suis consciente de faire avancer grandement le monde de la critique littéraire avec ce brillant billet, mais après tout, sur ce livre, d’autres s’en sont chargé.

Editeur : Gallimard (éditions)
Collection : Folio policiers
EAN : 9782070437573

Citations :

  • Deux-cent-pour-cent de surpopulation, quatre-vingt-dix de récidive, tuberculose, sida, absence de soins médicaux, canalisations bouchées, dortoirs à même le sol, viols, agressions, humiliations, Poulsmoor synthétisait l’état des prisons d’Afrique du Sud. 
  • La nouvelle Afrique du Sud devait réussir là où l’apartheid avait échoué : la violence n’était pas africaine mais inhérente à la condition humaine.
  • La peur du criminel avait remplacé la peur du Noir chez la plupart des blancs aisés, repliés sur leur « laager » : réponse armée, accès sécurisé par vidéo, muraille surmontée de fils barbelés puis de lignes électrifiées, la maison où avait grandi Nicole bénéficiait de l’équipement minimal pour une habitation de ce standing.

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Une semaine de vacances. Christine Angot

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Je ressors un vieux dossier, certes ; ce roman était paru à la rentrée littéraire de cet automne. Le temps a fait son œuvre, les débats à vif sont passés.

Avant de vous donner mon avis, je remets ma lecture dans son contexte : j’ai pu lire Une semaine de vacances bien avant sa parution. Je n’étais donc pas avertie du sujet.
J’ai donc commencé ma lecture… des scènes de sexe, d’accord, je ne suis pas bégueule et j’avais lu tous ses livres précédents. J’ai continué à lire jusqu’à comprendre. Et là, je ne suis plus vraiment d’accord avec le procédé. Pas sur le fond, non, vraiment le procédé. Je l’ai vécu comme une prise d’otage. J’aurais aimé être prévenue, au cas où je n’aurais pas envie de me retrouver dans une chambre où un père viole sa fille.
L’éditeur ayant savamment entretenu le mystère, il était impossible d’imaginer avoir un Inceste 2, version détaillé.
Une fois n’est pas coutume, je vous propose de lire ensemble la quatrième de couverture :
Christine Angot a écrit ce court roman comme on prend une photo, sans respirer, sans prendre le temps de souffler. En cherchant la précision, en captant l’instant et le mouvement. Ce n’est pas à nous lecteurs de vouloir en connaître l’élément déclencheur, peu importe de le savoir. On s’aperçoit vite en le lisant que le texte possède en lui-même le pouvoir d’agir avec violence. Il suscite des sentiments dont l’angoisse ne peut être évacuée.
Il provoque le saisissement par lequel on reconnaît un des pouvoirs de la littérature : donner aux mots toute leur puissance explicative et figurative, plutôt que de s’en servir pour recouvrir et voiler. C’est comme si l’écrivain levait ce voile, non pas pour nous faire peur, mais pour que l’on voie et comprenne.

Je m’arrête sur la dernière phrase ; je pense que le lecteur avait très bien compris avec L’Inceste (qui est, en passant, un chef d’œuvre). Que la force de L’Inceste  résidait justement dans ses ellipses.
Seule la dernière page est touchante, on sent toute la détresse du monde qui s’abat sur cette gamine.
On comprend la démarche d’Angot, elle filme, nous colle le nez à la vitre, mais alors qu’elle qualifie son livre de récit et non de roman. Le changement d’intitulé permet au texte de s’identifier auprès du lecteur; et si ce livre est un roman il est alors une obscénité stérile.

Il n’est pas nécessaire d’assister à une amputation pour comprendre un unijambiste.

Editeur : Flammarion
EAN : 9782081289406

Pas de citations.

Deux vies valent mieux qu’une. Jean-Marc Roberts

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Jean-Marc Roberts a écrit ce livre au soir de sa vie. Imaginait-il une rémission possible à ce deuxième cancer ? Probablement pas. Se savait-il à la fin ? Certainement, car ce livre ressemble à un testament.
Ce n’est pourtant pas une somme de regrets, ni un livre d’adieux, mais un hymne à la vie.
Jean-Marc Roberts a fait un récit de souvenirs au soir de sa vie donc, comme au soir d’une journée, au seuil de la nuit, quand le rêve s’amorce et que les images défilent.
Ce sont des instantanés de la mémoire. Une vie heureuse ; une enfance calabraise, une carrière d’éditeur parisien, des femmes aimées, des enfants tout autour du ventre… et le couperet de la maladie qui arrête en plein élan.

C’est un homme serein qui écrit, il nous offre un texte comme un miroir ; regardez vos vies, aimez-la, profitez, jouissez !
Il va beaucoup nous manquer.

Editeur : Flammarion
EAN : 9782081300354

Citations :

  • J’avais un secret, celui de garder toujours un peu de sable entre mes doigts de pied. En rentrant le soir et même la nuit, j’adorais découvrir encore un peu de sable entre le gros orteil et l’index. Est-ce que ça ne me gênait pas ? Mais si, un léger empêchement. Assez délicieux. Le voilà mon truc, subir toujours une petite contrariété qui me pèse mais gentiment. Alibi pour repousser depuis toujours le grand livre, la vraie bonne vie. Je pense que tout cela m’assomme. Je préfère les bouts, les instants, les petites ruses des magiciens, les tours des illusionnistes.
  • Deux tumeurs, pas de doute, je devais en rajouter un peu. Je minimisais tant la situation : éviter d’être plaint, protégé. La compassion m’a toujours inspiré un vilain sentiment.
  • Suis-je bien sûr de vivre un malheur ? Ne revient-on pas au sable dans les chaussures et à son petit inconvénient ? Restons humbles en adoptant ces termes d’empêchement. D’autres évoqueront un malheur si cela n’a pas fonctionné, et si je rejoins trop tôt de vraies victimes, Robin Gibb, Donna Summer, Brigitte Ungerer, l’emblématique Muriel Cerf. Nous n’en sommes pas là.

jmroberts

Vie rêvée. Thadée Klossowski de Rola

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Fils du grand Balthus, écrivain à ses heures, il a écumé les soirées parisiennes, fréquenté le beau monde, épousé la belle Loulou de la Falaise. Ce serait pourtant simpliste de qualifier Thadée Klossowski de dandy de Salons. Ce serait un peu simpliste car on ne peut le comparer aux « fils de » d’aujourd’hui ; ceux qui ont les poches pleines et la tête vide.

« Vie rêvée » est beaucoup plus qu’un livre de « name dropping ». On suit plutôt les errements d’un jeune homme des années 70 qui doit trouver sa vie. L’ombre du père n’est pas tutélaire, la difficulté semble plutôt émaner de Klossowski lui-même, un homme qui bride ses élans et ses rêves.
C’est un Paris révolu qui est raconté ici, le Paris des libertés sexuelles d’avant le Sida, de l’argent facile d’avant la crise, des paradis artificiels d’avant la morale sanitaire de la fin du siècle.
Ce trop-plein de libertés écrase, le texte alterne les descriptions du trop et du pas assez, c’est finalement une vie d’excès, et on ne sait pas, à la fin du livre, s’ils ont fait le sel de cette vie ou s’ils l’ont amoindrie.

Enfin, c’est surtout un chant d’amour pour la muse Loulou, la rencontre magnifique de deux oiseaux de nuits essayant de faire leur nid dans un arbre de paillettes.

Editeur : Grasset
EAN : 9782246803546

Citations :

  • Oui, si je pouvais me concentrer. Hier soir, c’est tout autre chose que je voulais écrire : mais cette voix dans l’oreiller si longuement chuchotait trop vite, je ne l’ai plus entendue. Un aide-mémoire : je pensais pouvoir me pencher très tendrement sur ce garçon qui va dans les rues et n’écrit rien de ce qu’il faudrait ; ce serait la troisième personne ; et moi j’essaie de lui donner la vie.
  • Jeudi 26 juin. – Á Marceau : tu vois, je suis une tortue sur le dos, le cou tendu vers le ciel, mes pauvres courtes pattes rament dans le vide, je vais mourir comme ça, à moins qu’un coup de pied ne me retourne, des médicaments, des drogues, quelque chose qui annule en moi le « violent refus de moi-même ». Il répondait furieusement que mes carnets sont décourageants parce que ma vie est décourageante, insuffisante, veule, c’est ma vie qu’il faut changer, il faut quelqu’un qui m’aime et qui aime ce que j’écris, qui me rende, hors de tout souci, à l’estime de moi-même (…)
  • J’essaie de t’aider. Tu parles de distance entre nous, tu dis que tu ne veux plus d’une amitié superficielle. C’est vrai que nous pourrions nous connaître mieux, c’est vrai que je suis paresseux en amitié – je le sais si bien que justement je voulais m’approcher un peu…
    Mais l’amour ! L’amour est le contraire de l’amitié.
    Tu dis : je t’aime gravement. Alors je n’ose plus rire. Peur de froisser. Peur en même temps d’être trop aimable. C’est aussi bête que ça la distance.
    Je crois d’ailleurs que l’amitié n’est précisément qu’un effort pour accepter, maintenir la distance (l’amour serait un effort pour l’abolir).

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Un hiver avec Baudelaire. Harold Cobert

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Cela parait presque trop facile. On a une maison, une femme, un enfant et le lendemain, plus rien. Ce qui arrive à Philippe on voudrait se dire que ça ne peut pas nous toucher. Et pourtant…
Harold Cobert nous fait regarder cette histoire en face. Celle d’un homme qui après une rupture, se retrouve à la rue. Qui, en quelques jours, fera partie des hommes et des femmes errants, de cette tribu de l’ombre. Ces fameux Sans Domicile Fixe qui reviennent régulièrement dans l’actualité, que l’on croise tous les jours, que l’on évite comme si leurs vies étaient contagieuses.
C’est un tableau clinique de la chute d’un homme, qui lentement remontera la pente grâce notamment à Baudelaire, le chien, qui se fiche bien de savoir si Philippe est un homme fréquentable ou non. Grâce aussi à ces amitiés qui ne peuvent naître que dans des situations extrêmes, des cadeaux offerts par ceux qui n’ont pas grand-chose, qui donne du temps et de l’écoute, ce qui vaut bien plus cher que de l’argent.
Il n’y a pas de pathos, pas de moral dans ce livre, c’est ce qui en fait la force.
Harold Cobert nous offre le temps de faire un brin de route avec Philippe, Baudelaire, le Berbère, Fatima et les autres.
Cela ne résoudra rien à la condition de ces hommes et de ces femmes, si ce n’est notre regard.

Editeur : LGF/ Le livre de poche
EAN : 9782253133537

Citations :

  • Ils se dévisagent. Sans un mot, Philippe tourne les talons, prend sa valise et sort de la maison.
    Dehors, il reste debout sur le paillasson, la tête baissée, le bras tendu en arrière et la main crispée sur la poignée de la porte.
  • J’ai honte, tu sais…J’ai tellement honte…Je ne prends plus ma mère au téléphone…La pauvre, ça la tuerait…Et ça fait même deux semaines que j’ose pas téléphoner à ma fille, alors que je lui avais promis de l’appeler tous les soirs pour lui raconter une histoire…T’imagines, ma princesse…
  • L’avenir se vit au présent. Un présent qui ne se conjugue pas. Ou uniquement au mode infinitif. Parce qu’aujourd’hui ressemble à hier, et demain à aujourd’hui.
    Manger. Dormir. Boire. Rester propre. Emmaüs. Mendier. Regarder la date sur la une des journaux. Penser à Claire.

La grande bleue. Nathalie Démoulin

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Nous sommes en 1967 à Vesoul, Marie à 17 ans.
Elle voit apparaître en filigrane, dans son quotidien, sa future vie d’adulte. Elle ne sait pas vraiment de quoi celle-ci sera faite. Elle n’a que ses certitudes d’adolescente : elle ne sera pas comme sa mère. Elle ne sera pas une femme d’ouvrier, elle n’aura pas d’enfant, elle sortira de ce pays de « bouseux ».
Un an plus tard, nous retrouvons notre Marie mariée à Michel, ouvrier, enceinte de leur premier enfant.
La suite ? C’est sa vie. Loin de ses idéaux de jeunesse mais sa vie quand même. La vie d’une femme dans les années 70. Une vie qui alterne entre l’émancipation qui arrive doucement en province, et cette fatalité, mais au sens littéral du terme, ce destin qui met sur des rails sans que l’on s’en rende compte. Une vie que l’on vit sans que l’on perçoive immédiatement qu’elle s’inscrit dans l’histoire de l’époque, qu’elle en épouse les truchements et les errances.

Une vie réussie c’est avoir celle que l’on avait rêvée ou avoir la reconnaissance de celle que l’on a vécue ?
C’est un roman qui transporte, qui émeut, qui vous fait réfléchir sur votre propre existence.
Marie vous raconte sa vie, elle devient au fil des pages une amie.

Editeur : Rouergue
Collection : La brune
EAN : 9782812603877

Citations :

  • Le temps que Michel aille chercher les enfants chez les Sauvageot, on reste seule, on voudrait commencer quelque chose, on remplit une casserole d’eau, on allume la lumière dans toutes les pièces, on a une paire de chaussons à la main, on marche sans bruit d’une fenêtre à l’autre, en posant la main sur le radiateur on croit qu’on va la brûler, et puis non, on repart, on craque une allumette, on a les chaussons aux pieds maintenant, et dans la main une poignée d’œufs, qu’on laisse glisser dans l’eau frémissante, un par un.
  • Divorcer c’est se donner la chance d’être la femme que l’on voit naître autour de soi, en ces années 1970, avec toutes ces nanas qui changent à vue d’œil comme si être une femme se réinventait maintenant, au risque de se casser la gueule, mais au moins on aura rompu ce lien avec la mère et toutes les mères avant elle, cette mémoire qui vous déterminait quoique vous fassiez.