Clarissa. Stefan Zweig

Clarissa. Couv

Roman inachevé de Zweig, « Clarissa » est un diamant brut. Il décrit le destin d’une femme, d’une femme forte, du début du XXème siècle à la fin de la première guerre mondiale. Une page, une seule, qui ressemble à une note d’écrivain, nous informe de la vie de Clarissa de 1920 à 1930.
Elle est fille et sœur de militaires autrichiens,  c’est un être solide, mesuré, calme, pondéré. Toutes ces qualités qui ne sont pas dues à une rigueur morale mais plutôt à une absence complète (du moins au début du texte) d’empathie ou se sentiment pour l’autre.
Elle aura la chance de rencontrer des êtres d’exception, qui la guideront sans qu’elle ne se sente redevable. D’abord une camarade de pensionnat puis un professeur de psychologie, ensuite Léonard, l’amour de sa vie  qui aura le mauvais goût d’être français à la veille de la guerre, enfin Brancoric, le soldat déserteur qui la manipulera et qu’elle manipulera.

J’ai adoré ce texte même si (et je viens de terminer ma lecture) j’éprouve des sentiments mitigés pour ce personnage. Clarissa est une maitresse femme qui attire, interroge et plait à son entourage, mais je ne peux m’enlever de l’idée qu’elle ne vit que pour elle et que par elle -seule la maternité changera cette donne, et encore, l’enfant est décrit comme le prolongement d’elle-même d’abord, de son amour perdu ensuite- et qu’elle utilise le monde qui l’entoure.
Je rage que Zweig n’ait pu finir ce texte car finalement la description qu’il aurait fait de la décennie de vie de Clarissa (qui, je le rappelle tient en deux phrases) aurait pu nous donner le fin mot de son caractère…Personne n’a donc la clef, l’interprétation du lecteur n’a jamais été aussi libre que dans ce roman.
Une fois de plus Stefan Zweig a fait que j’ai lu d’une traite un de ses livres, que j’ai été émue, agacée, heureuse et attristée de la vie de ses personnages, bref que pendant deux heures j’étais ailleurs, dans l’histoire qu’il a construite et que je sais gré à tout écrivain de me faire partir dans un autre monde.

Éditeur : Belfond
EAN : 9782714427939

 Citations :

  • Ne me remerciez pas. Non, mon enfant, dit-il d’une voix grave. Vous m’avez aidé en son temps. Je crois vous aider à mon tour. Mais en fait, c’est moi-même que j’aide. J’ai besoin de courage, de plus de courage que je n’en possède. Chacun aide les autres en leur donnant l’exemple. En me montrant que vous êtes résolue et que vous resterez forte, vous m’aidez. Plus que jamais dans ma vie, j’ai besoin de voir un être solide. J’aurai encore besoin de vous à l’avenir. Il est bon de connaître quelqu’un qui vous connaît, une personne au moins avec qui vous pouvez parler.
  • Que peut-il nous arriver? Nous vivrons, c’est tout ce qui importe. Nous avons chacun un fils. Nous avons nos enfants. Que nous importe ce qui se passe en politique ? Que signifient l’empereur et l’Empire – il faut que nous voyions les choses sous un angle historique, comme si elles s’étaient produites il y a mille ans. Nous sommes sauvés, même si c’est la victoire des autres. Mais nous, nous sommes sauvés. Votre enfant aussi « que les morts enterrent les morts » : c’est vraiment vrai.
    « Quel est le sens de ce chauvinisme » ? De deux choses l’une  ou l’Europe va naître, ou bien tout est perdu. Si elle ne naît pas, alors seulement nous aurons perdu la guerre.
  • Les caractères réfléchis détiennent le secret pouvoir de souligner, du moins pour de courts instants, le sérieux de ceux qui sont plus légers.

Lu dans le cadre du Challenge « Stefan Zweig » de Métaphore

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Une réflexion au sujet de « Clarissa. Stefan Zweig »

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